Le Vénitien Marco Polo (1254-1324) a été l’un des premiers voyageurs européens à explorer longuement l’Asie au Moyen Âge, en suivant les « routes de la Soie » et en passant de longues années en Chine, au service des empereurs mongols. A son retour définitif en Europe, il a rédigé, dans un français mêlé d’italien, La Description du monde (ou Le Devisement du monde). Il décrit dans ce livre l’ensemble des nombreuses provinces du gigantesque empire mongol qui s’étendait alors du Pacifique à la Méditerranée. Il explique, pour les voyageurs et les marchands, les ressources de chaque province, les particularités de ses habitants et les risques ou les difficultés pour s’y rendre. Il évoque aussi les curiosités rencontrées, les animaux exotiques, les richesses inépuisables, la splendeur des villes, ce qui explique que texte soit aussi connu sous le titre de Livre des merveilles. Ce livre a connu un grand succès et a notamment inspiré d’autres voyageurs qui, comme Christophe Colomb, souhaitaient découvrir les merveilles de l’Orient.
Le livre est souvent répétitif, certaines provinces sont décrites de manière mécanique, sous forme de notices assez sèches. L’abondance des merveilles et des richesses décrites a par ailleurs fait douter très tôt de l’authenticité du récit de Marco Polo, mais certains passages décrivent de manière vivante et intéressante le mode de vie des populations très variées de l’empire mongol. Même s’il était issu d’une famille de commerçants et initialement guidé par l’appât du gain, Marco Polo a su faire preuve d’une grande curiosité et mettre à profit ses voyages pour découvrir de nouvelles cultures bien qu’il ne les ait pas toujours comprises.
Un extrait (p. 313 de l’édition de la collection « Lettres gothiques » du Livre de poche) :
« CXXIX. Le pays d’Yibin.
Yibin est un pays à l’est. Quand on part du Yunnan oriental, on chevauche douze journées le long d’un fleuve, où on trouve des villes et des villages ; mais il n’y a là rien d’autre qui mérite d’être rappelé. Quand on a cheminé douze journées le long du fleuve, on trouve un pays nommé Yibin, qui est grand et illustre. Les gens sont idolâtres [d'une religion autre que juive, chrétienne ou musulmane] et ils sont au Grand Khan. Ils sont marchands et vivent du commerce et de l’artisanat. Sachez qu’ils font des draps avec des écorces d’arbres qui sont très agréables à mettre l’été. Ils sont de bons soldats. Ils usent du papier-monnaie : sachez que désormais nous sommes sur le territoire où on utilise les billets du Grand Khan. Il y a là tant de lions que nul ne pourrait dormir la nuit hors de chez soi sans être mangé par ces lions. Et même quand on navigue sur ce fleuve de nuit, si on ne s’éloigne pas bien de la rive, les lions viennent avec vous jusque dans les bateaux et ils mangent tous ceux qu’ils peuvent attraper. N’était une assistance que les hommes reçoivent, personne ne pourrait voyager dans ce pays à cause de la grande quantité de lions qui s’y trouvent et qui sont très grands et farouches ».